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Traduire, est-ce trahir ?


Mercredi 4 janvier 2023 à 14 heures 30

Conférence par M. DANIEL RENARD,

membre titulaire

Les traducteurs et interprètes ne recueillent pas tous la même notoriété ni non plus le même retentissement que saint Jérôme, à qui l’on doit l’essentiel de la Vulgate, ou que Martin Luther dont la traduction des Saintes Écritures a enrichi et popularisé une langue moyenne commune appelée à devenir l’allemand d’aujourd’hui. Vivants ou morts, reconnus ou obscurs, les traducteurs et interprètes ont en tout cas tous le grand mérite d’élargir sensiblement l’écho que rencontre le message qu’ils transposent. Les particularités de la langue d’origine et la nature même du message à transmettre font que certains propos se laissent traduire plus aisément que d’autres, mais la tâche, toujours, est ardue. Le traducteur-interprète en effet se doit d’acquérir et d’entretenir une triple compétence :

a) la maîtrise de la langue de départ b) la maîtrise de la langue

d’arrivée ainsi c) qu’une connaissance suffisante ou pour le moins une intuition minimale des différents domaines dont il lui faudra traiter. En outre il devra à chaque instant choisir, à côté bien sûr de la restitution fidèle du sens de l’original, ou bien de faire un sort aux intentions stylistiques, aux sonorités, aux connotations, aux jeux de mots, ou bien, dans l’urgence, d’y renoncer.

Ces choix de toute façon, ainsi que d’éventuelles défaillances dans la triple compétence, sont autant de justificatifs aux yeux des esprits chagrins pour dénigrer toute espèce de traduction, pour la donner comme une trahison et assimiler, comme le font parfois les Italiens, traduttore et traditore.

Toute traduction est certes un compromis, une approximation, plus ou moins étroite selon les circonstances, mais la donner comme une trahison me semble une injustice ulcérante et le fait d’un pharisianisme ignorant. Se pourrait-il d’ailleurs qu’un message soit suffisamment universel pour rendre quasiment négligeable le génie de sa langue d’origine au point que sa traduction en devienne d’autant moins approximative ? (D.R.)