Conférence de Mme Yvonne Bollmann, maître de conférences honoraire à l’université de Paris-Créteil, membre correspondant : Les langues régionales en question
Ancien Carmel d’Abbeville, 36 rue des Capucins, 80100 Abbeville le mercredi 2 octobre 2013.
La France a signé la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires le 7 mai 1999. Dans une décision du 15 juin suivant, le Conseil constitutionnel a jugé que ce texte du Conseil de l’Europe « porte atteinte aux principes constitutionnels d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français », et qu’il est contraire à son article 2 affirmant que « la langue de la République est le français ».
Le fait que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France » a été inscrit dans la Constitution le 23 juillet 2008. L’objectif de donner au patrimoine linguistique une véritable reconnaissance semblait atteint. Dans le 56e de ses « 60 engagements pour la France », le candidat François Hollande a néanmoins promis de faire ratifier la Charte.
Le Journal Officiel a annoncé le 13 novembre 2012 que « la France mettra en œuvre le processus de ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, conformément à l'engagement du Président de la République ». Mais le texte du gouvernement sur la révision constitutionnelle nécessaire à cet effet n’a finalement pas été présenté en Conseil des ministres le 13 mars 2013, ayant été retiré de l’ordre du jour en raison d’un avis négatif du Conseil d'Etat.
Un « Comité consultatif pour la promotion des langues régionales et de la pluralité linguistique interne » avait été installé le 6 mars 2013 par Aurélie Filippetti. Sa mission était entre autres « d’éclairer les pouvoirs publics sur les modalités d’application des trente-neuf engagements pris par la France en signant la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ». Même sans ratification, ces « engagements internationaux de la France » devront être respectés, comme le préconise le rapport présenté par le Comité en juillet 2013.
Ainsi qu’en témoigne l’histoire de sa genèse, la Charte des langues est inséparable d’un autre texte du Conseil de l’Europe, la Convention cadre pour la protection des minorités nationales. Ce sont des instruments juridiques destinés à protéger des minorités « ethniques » et leurs différentes langues
Notre Etat-nation est un cauchemar pour les promoteurs d’un « droit européen des communautés ethniques ».Un juriste allemand affirme que « conformément à sa tradition jacobine », la Constitution de la France nie l’existence de ces minorités sur le territoire français, et qu’elle se place ainsi « clairement en contradiction avec les réalités concrètes ». Mais la France n’est pas édifiée sur cette base, et ne repose que sur la volonté politique de ses citoyens. Dans le monde d’aujourd’hui, en proie à tant de conflits ethnolinguistiques, une telle position est d’avant-garde.
Bibliographie
Essais
La Tentation allemande, Michalon, 1998.
La Bataille des langues en Europe, Bartillat, 2001.
Ce que veut l’Allemagne, Bartillat, 2003.
Traduction
Rudolf Kassner, La métamorphose, Physiognomonie et physionomie, Le Nouveau Commerce, 1990.
Articles
L’Alsace, une zone de dangers, Limes, n° 1, 1996.
Les langues régionales et minoritaires en Europe, Volksgruppen : le grand retour, Hérodote 2002/2 (N°105)
Eurodistricts ; un marché de dupes, 29 juin 2010
Europe Ecologie, Europe Ethnies, 10 décembre 2010
La France est-elle finie ? Réplique à M. Chevènement, 9 mars 2011
Note de lecture - Armand Jung, Jean-Jacques Urvoas, Langues et cultures régionales, En finir avec l’exception française,3 mai 2012
Tensions sur les différents modèles d’intégration européens : le cas allemand, 31 mai 2013
Charte européenne des langues régionales ou minoritaires : Cavaillé, ou l’optimisme, 14 août 2013